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Johannes Vermeer
1632 - 1675
Peintre Néerlandais
  Biographie
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Biographie Johannes Vermeer (1632-1675)
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Vermeer après lui-même :
   - Un oubli de l'Histoire de l'art au XVIIIe siècle, mais non des collectionneurs :
Contrairement à l'idée qui a largement été propagée à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, Vermeer ne fut pas totalement ce « génie méconnu » qu'on a bien voulu
croire, et ses œuvres ont continué, après sa mort, à figurer en bonne part dans les ventes et collections privées.
Lors de la vente de la collection Dissius, à Amsterdam le 16 mai 1696, vingt-et-un Vermeer, accompagnés pour la plupart de commentaires élogieux sur le catalogue,
s'échangent à des sommes relativement élevées pour l'époque. En 1719, La Laitière est appelée « la fameuse Laitière de Vermeer de Delft », et le peintre et critique
anglais, Sir Joshua Reynolds, mentionne ce même tableau dans le « Cabinet de M. Le Brun », à l'occasion d'un voyage effectué dans les Flandres et en Hollande en 1781.
Le passage du XVIIIe siècle au XIXe siècle voit un net engouement, favorisé par la rareté des toiles du maître, pour les Vermeer qui apparaissent sur le marché de l'art.
Par exemple, le catalogue de la vente où figure Le Concert en 1804 précise que « les productions [de Van der Meer, de Delft] ont toujours été regardées comme classiques,
et dignes de l'ornement des plus beaux Cabinets. » En 1822, c'est la Vue de Delft, considérée comme la toile « la plus importante et la plus célèbre de ce maître dont
les œuvres sont rares », qui est acquise par le Mauritshuis de La Haye pour la somme, colossale à l'époque, de 2 900 florins.
Cependant, Vermeer allait souffrir d'un oubli relatif des historiens d'art, et occuper une place mineure dans leurs ouvrages, dans l'ombre des autres maîtres du XVIIe
siècle. Ceci pourrait s'expliquer, non seulement par sa faible production, mais aussi par une réputation de son vivant qui, si elle était solidement implantée dans la
ville de Delft, eut du mal à s'étendre au-delà. Le théoricien d'art néerlandais Gérard de Lairesse, dans son Grand livre des peintres (Het Groot schilderboeck) publié en
1707, mentionne Vermeer, mais seulement comme peintre « dans le goût du vieux Mieris ». Et Arnold Houbraken, dans Le Grand théâtre des peintres hollandais publié à
Amsterdam entre 1718 et 1720, et qui fut l'ouvrage de référence pour la critique d'art en matière de peintres hollandais tout au long du XVIIIe siècle, se contente
d'évoquer son nom associé à la ville de Delft, sans autre commentaire. Il faut attendre 1816 pour le voir apparaître dans une entrée à part entière de l'Histoire de la
peinture de notre pays de Roeland van den Eynden et Adriaan van der Willigen, à la faveur de sa réputation auprès des collectionneurs, dont pas un « ne soit prêt à payer
des sommes très élevées pour posséder une de ses toiles ». La réputation de Vermeer dépasse alors les frontières de la Hollande, puisque le marchand d’art anglais John
Smith le cite en 1833 dans son Catalogue Raisonné des œuvres des plus éminents peintres hollandais, flamands et français comme suiveur de Gabriel Metsu ou de Peter de
Hooge.
   - Théophile Thoré-Burger et la redécouverte de l'œuvre et du peintre :
L’œuvre de Vermeer va réellement revenir dans la lumière dans la seconde moitié du XIXe siècle, grâce à une série de trois articles que le journaliste et historien d'art
Étienne-Joseph-Théophile Thoré, sous le pseudonyme de William Bürger, lui consacre entre octobre et décembre 1866 dans la Gazette des beaux-arts.
Sa première rencontre avec Vermeer date de 1842, quand, visitant les musées de La Haye, il tombe en émerveillement devant le tableau d'un peintre alors totalement
inconnu en France, « Vue de la ville de Delft, du côté du canal, par Jan van der Meer de Delft ». Cet émerveillement est redoublé et amplifié en 1848 quand il peut
admirer, dans la collection de M. Six van Hillegom, La Laitière et La Ruelle. Contraint à l'exil politique par Napoléon III à partir de 1848 en raison de sa
participation à un soulèvement avorté d'inspiration socialiste, il se retrouve à sillonner l'Europe et ses musées, et entame alors une traque des tableaux de ce peintre
oublié, qu'il surnomme le « Sphinx de Delft » en raison du mystère pesant sur sa vie. Ceci le conduira à dresser le premier inventaire des œuvres du maître, en
en réattribuant notamment certaines autrefois considérées de la main de Pieter de Hooch, pour recenser au total pas moins de 72 tableaux (soit près de la moitié
erronément), dans une liste demeurant selon lui encore largement ouverte.
Les raisons de l'admiration de ce démocrate radical pour le XVIIe siècle hollandais en général, et pour Vermeer en particulier, sont d'abord politiques. Elles trouvent
leurs racines dans son rejet de l’Église et de la monarchie qui, selon lui, phagocytaient l'Histoire de la peinture à travers les sujets historiques, religieux et
mythologiques qu'elles imposaient : les scènes de genre hollandaises, au contraire, portaient le regard sur la vie quotidienne des gens simples, et ouvraient la voie, à
partir du XVIe siècle, à une peinture « civile et intime ». À cet égard, il fut un défenseur farouche du Réalisme et de ses contemporains Jean-François Millet, Gustave
Courbet ou encore du paysagiste Théodore Rousseau — à l'instar de Champfleury à qui il dédie ses articles sur Vermeer.
Mais il loue également « la qualité de la lumière » des intérieurs de Vermeer, rendue comme au « naturel » (à la différence des effets « arbitraires » de Rembrandt et
Velázquez, qu'il admire par ailleurs), et qui se traduit par une harmonie remarquable de ses coloris. Il admire cependant par-dessus tout ses paysages, La Ruelle et la
Vue de Delft.
Thoré-Bürger posséda quelques toiles du maître, certaines attribuées abusivement, d'autres authentiques comme La Dame au collier de perles, Une dame debout au virginal,
Une dame assise au virginal et Le Concert.
La fin du XIXe siècle fut l'occasion d'une véritable chasse aux œuvres de Vermeer, alors encore quasiment toutes aux Pays-Bas. Les acquéreurs des rares peintures étaient
surtout des hommes politiques et des entrepreneurs, ce qui amena Victor De Stuers à publier en 1873 dans le périodique De Gids un pamphlet resté célèbre aux Pays-Bas,
« Holland op zijn Smalst » (« La Hollande dans toute sa mesquinerie », dénonçant l'absence de politique nationale en matière de conservation de son patrimoine
artistique. Au tout début du XXe siècle, la Hollande connut également une controverse liée à la vente de la collection Six où figurait, au côté de trente-huit autres
tableaux de maîtres anciens, La Laitière, certains brandissant le risque de voir ces chefs-d'œuvre patrimoniaux quitter le sol national pour les États-Unis, d'autres
mettant en avant le coût exorbitant demandé pour la collection, dont certains contestaient même la qualité et l'intérêt réels. La question fut débattue à la seconde
Chambre des États généraux, et finit par l'achat de la collection par l'État, ce qui fit entrer La Laitière au Rijksmuseum en 1908.
Par la suite, la critique tentera d'affiner et de corriger le premier catalogue de Thoré-Bürger : Henry Havard, en 1888, authentifie 56 tableaux, et Cornelis Hofstede
de Groot, en 1907, seulement 34.
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