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Au XIXe siècle, en peinture, le terme « naturalisme » a servi pour désigner un mouvement artistique en Occident entre, approximativement, 1880 et 1900, et faisant suite au
réalisme en peinture. Il en reprend les traits en accordant une importance primordiale au motif, à la nature perçue telle quelle, et au monde paysan, plutôt qu'à des scènes
historiques. La nouveauté est qu'il prend position en faveur du peuple et du monde ouvrier. Ce mouvement, très fortement inspiré par l'apparition de la photographie et des
nouveaux moyens qu'elle offrait aux peintres pratique à la manière académique, comme celle de Jean-Léon Gérôme ou emprunte certains effets picturaux impressionnistes. Une
part importante du mouvement naturaliste illustre la perspective darwinienne de la vie et la croyance en la futilité des efforts de l'Homme face à la puissance de la Nature.
Dans le monde :
Les termes « naturalisme » et « réalisme » sont très souvent employés comme des synonymes sous la plume des plus grands historiens de l'art, même si certains, comme Daniel
Arasse ont voulu que l'on réserve le terme « réalisme » pour désigner le mouvement artistique du XIXe siècle. Le naturalisme concerne un champ immense de la peinture
occidentale, et il concerne un champ aussi important dans le domaine de la sculpture et des arts graphiques occidentaux. D'autres cultures, comme l'art chinois du portrait
et sa représentation des animaux, l'art du monde indien et sa peinture animalière, l'art égyptien antique des portraits du Fayoum, et l'art contemporain africain du
portrait « fixé-sous-verre » au Sénégal, tous établissent un certain type de rapport à la nature que l'on peut qualifier de « naturalisme ».
Dans l'art occidental :
   - Dans l'art grec à partir du début du Ve siècle av. J.-C. la représentation des dieux à l'image des hommes a amené les artistes, pour ces raisons culturelles,
à rivaliser entre eux dans l'étude de l'anatomie du corps humain, afin de donner formes, sculptée ou peinte, aux dieux et aux héros. Le naturalisme en est venu à se jouer de
l'illusionnisme et du trompe-l'œil, avec le peintre Zeuxis dès le dernier quart du Ve siècle av. J.-C.. La référence à la nature a fait l'objet de la théorie de la mimésis
dans la réflexion sur la représentation. Or c'est au même moment et dans les mêmes réalisations où ce naturalisme devenait plus manifeste, que ces artistes mettaient au
point un système de proportions idéales : on le cherchait dans l'anatomie des plus beaux corps, autour des gymnases. Il s'agissait de trouver des formules mathématiques,
révélatrices de l'ordre divin au sein de la nature, inscrites dans la nature elle-même. Ces réalisations ont abouti au canon de Polyclète (vers 440). Naturalisme et
idéalisme ont donc fusionné dans la phase classique de l'art grec. Selon la formule de Bernard Holtzmann et Alain Pasquier :
« Au-delà d'une observation pourtant de plus en plus aigüe, le réel n'est [alors] qu'une figure de la raison. »
   - La culture de la Renaissance, reprenant le modèle antique, a peu à peu imposé le naturalisme, dans la représentation illusionniste de la nature, celle des
corps humains et de leur milieu naturel, leurs vêtements, leurs objets ainsi que l'espace architectural et le paysage dans lequel ils se déplacent, éclairés par diverses
sources de lumières naturelles : lumière du jour, directe ou indirecte, nocturne, « à la chandelle »… Dans le domaine de la peinture cette culture a produit en conséquence
l'invention de la perspective conique et la chambre noire, le clair-obscur et la peinture à l'huile : toutes ces inventions ont permis la manifestation du naturalisme dans
la peinture en occident à l'époque moderne, à partir de la fin du Moyen Âge, et à l'époque contemporaine. La méthode de Caravage, au plus près de ses modèles vivants,
peints au naturel, non idéalisés pour la plupart et avec des costumes de son époque ou intemporels apporta une nouvelle révolution dans le regard naturaliste. Il eut un
impact considérable sur la peinture ultérieure et en particulier sur Rubens et Velasquez, voire Rembrandt et plus tard David et les peintres réalistes du XIXe siècle.
Le naturalisme, mouvement artistique dans la peinture occidentale : autour de 1880-1920 :
Le mouvement naturaliste est depuis peu distingué du réalisme et de divers courants de la peinture au XIXe siècle.
Si le réalisme, en peinture comme en littérature, a pour but la réalité objective, plus-tard, les naturalistes veulent « reproduire la nature telle qu'elle est »
Les peintres naturalistes choisissent de mettre en scène des paysans, des ouvriers et des pauvres et aussi la classe moyenne, en ville et à la campagne, au travail, au
repos, en société, dans leurs pratiques religieuses: ils ont des choix plus ciblés sur les faits de société que Courbet, qui leur sert néanmoins de référence. La
personnalité d'Émile Zola a été déterminante dans les choix des naturalistes. Les formats sont bien plus monumentaux que ceux des peintres réalistes du milieu du XIXe
siècle, Courbet, Millet… Ils renouent avec la formule de Caravage où le premier-plan est quasiment à l'échelle un sur un. Les détails sont toujours dépeints de manière à
mettre l'accent sur des parties significatives : des visages épuisés ou réjouis, des mains déformées par le travail ou fines et lisses, des objets du quotidien marqués par
l'usage… Les couleurs sont parfois claires, souvent brossées, les toiles gardant un aspect inachevé : des souvenirs de la peinture impressionniste.
Ils utilisent le savoir-faire appris dans les écoles des Beaux-Arts : c'est le cas pour Thomas Eakins, mais aussi pour Jules Bastien-Lepage, formé par Alexandre Cabanel ;
Jules-Alexis Muenier et Pascal Dagnan-Bouveret, formés par Jean-Léon Gérôme, lui-même fort intéressé par l'usage de la photographie comme document pour les peintres dès
1860. Tous feront plus ou moins usage de la photographie, certains feront leurs propres photographies dans ce but, avec l'entraide disponible dans les sociétés de
photographies qui se sont multipliées jusque dans les provinces parfois avant 1880, mais surtout après 1888, moment de l'apparition de l'appareil Kodak portable à la main.
L'épreuve photographique est alors agrandie scrupuleusement, souvent par la méthode de la mise au carreau, mais la composition nécessite souvent de sélectionner
(éliminer certains détails), hiérarchiser (certaines parties sont simplement esquissées tandis que d'autres sont précisément détaillées) et le montage de plusieurs parties
prises dans plusieurs photographies est souvent la solution la plus pratique. On fait alors appel successivement aux modèles, aux lieux, aux animaux, aux accessoires pour
des prises de vues nombreuses en vue d'un seul tableau.
Exemple de peinture naturaliste :
La fin du travail (1887)
du peintre Jules Breton
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