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Johannes Vermeer
1632 - 1675
Peintre Néerlandais
  Biographie
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Biographie Johannes Vermeer (1632-1675)
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   - Une œuvre étrangère aux réalités de la vie de Vermeer :
Peu d'œuvres témoignent d'un écart aussi radical avec la biographie de l'artiste, le monde représenté dans ses tableaux étant totalement étranger aux réalités de son
quotidien, à tel point qu'on a pu le considérer comme une échappatoire. Alors que la maison était encombrée de lits et de berceaux, ses scènes de genre ne représentent
jamais d'enfants : seule La Ruelle en montre deux, de dos, occupés à jouer devant la maison. Et l'atmosphère paisible et sereine de ses intérieurs contraste de manière
frappante avec un environnement que l'on imagine bruyant, troublé en outre par des incidents violents. Ainsi, ses deux seuls tableaux représentant une femme enceinte,
La Femme en bleu lisant une lettre et La Femme à la balance sont contemporains de l'internement du frère de Catharina, Willem Bolnes, à la suite d'actes de « violence
[commis] de temps à autre contre la fille de Maria, la femme de Johannes Vermeer, la maltraitant et la battant en diverses occasions avec un bâton, en dépit du fait
qu'elle était enceinte au dernier degré ».
Carrière :
   - La guilde de Saint-Luc de Delft :
Le 29 décembre 1653, soit sept mois environ après son mariage, Johannes Vermeer entre dans la guilde de Saint-Luc de Delft. D’après les archives de la corporation, il y
est inscrit sans s’acquitter immédiatement des droits d’admission en usage, sans doute parce que sa situation financière d'alors ne le lui permet pas. Cela lui permet
néanmoins d'exercer librement son art à son compte, de poursuivre le négoce de tableaux de son père, et de prendre des élèves — même s'il semble n'en avoir eu aucun au
cours de sa carrière. Cependant, il se considère avant tout comme peintre, comme en témoigne la profession qu'il choisit de mentionner systématiquement sur les documents
officiels.
Signe de la reconnaissance de ses pairs, il est élu à la tête de la guilde de Saint-Luc en 1662, à l'âge de trente ans — ce qui fait de lui le plus jeune syndic que la
guilde ait connu depuis 1613 —, et est reconduit dans ses fonctions l'année suivante. Il connaîtra le même honneur une seconde fois, en 1672.
Il semble par ailleurs avoir été apprécié en qualité d’expert. En mai 1672, il fait partie, avec Hans Jordaens, un autre peintre de Delft, du groupe de trente-cinq
peintres chargés d'authentifier à La Haye la collection de douze toiles, dont neuf attribuées à des maîtres vénitiens, vendues à Frédéric Guillaume, Grand Électeur de
Brandenbourg, par le marchand d'art Gerrit Uylenburgh. Vermeer conclut, contre l'avis de certains de ses confrères, à leur inauthenticité.
   - L'exercice de la peinture, et les commanditaires :
Vermeer travaillait lentement, ne réalisant, semble-t-il, pas plus de trois tableaux par an, pour un total évalué entre quarante-cinq et soixante œuvres sur l'ensemble
de sa carrière — ni sa célébrité acquise à Delft, ni ses soucis financiers, qui commencent vers 1670, n'ayant accéléré cette cadence.
On a supposé que Vermeer peignait plus pour des particuliers que pour le grand public du marché libre de l’art. Alors que le diplomate et amateur d'art français
Balthasar de Monconys lui rend visite en 1663, il n'a aucune toile à lui présenter, et l'invite pour cela à se rendre chez le boulanger du coin, sans doute Hendrick van
Buyten : « [...] À Delphes [i.e. Delft] je vis le Peintre Vermer qui n’avoit point de ses ouvrages : mais nous en vismes un chez un Boulanger qu’on avoit payé six cens
livres, quoyqu’il eust qu’une figure, que j’aurois cru trop payer de six pistoles. » Le prix, s'il est véridique, était fort au-dessus de ceux habituellement pratiqués
par les peintres de l’époque.
Deux commanditaires se détachent tout particulièrement. Outre le boulanger — largement enrichi — van Buyten, on a mis en évidence le rôle essentiel joué par Pieter
Claesz. van Ruijven, un percepteur patricien fortuné de Delft, avec qui Vermeer entretenait des liens dépassant la simple relation entre peintre et patron, notamment en
consentant, en 1657, un prêt de 200 florins à l'artiste et son épouse. Car celui-ci fut vraisemblablement le réel premier acheteur d'un bon nombre des vingt-et-une
toiles de Vermeer qui furent mises aux enchères à Amsterdam en 1696, à l'occasion de la succession de l'imprimeur Jacob Dissius — ce dernier ayant hérité par sa femme,
la fille van Ruijven, de la collection de ses beaux-parents.
Le fait que van Ruijven, un mécène provincial, acquit la plus grande part de la production de Vermeer, pourrait expliquer pourquoi la réputation de l'artiste, pourtant
tout à fait flatteuse à Delft, ne s'est pas davantage propagée au-delà de sa ville de son vivant, ni même après sa disparition en 1675.
   - Des difficultés financières à la faillite au moment de sa succession :
En 1672, la Rampjaar (« l'année désastreuse » en néerlandais), les Provinces-Unies sont frappées par une grave crise économique, consécutive à la double attaque du pays,
par l’armée française de Louis XIV (guerre de Hollande), et par la flotte anglaise, alliée aux principautés de Cologne et Münster (Troisième Guerre anglo-néerlandaise).
Dans le but de protéger Amsterdam, les terres avoisinantes sont inondées. Maria Thins perd ainsi durablement les revenus de ses fermes et domaines situés près de
Schoonhoven. Le marché de l’art — tant pour les peintres que les marchands de tableaux — subit tout naturellement un arrêt brutal. Dans ce contexte désastreux, et afin
de pouvoir continuer à nourrir sa nombreuse famille, Vermeer est contraint de se rendre à Amsterdam en juillet 1675 pour emprunter la somme de 1 000 florins.
Cette succession de revers financiers, accentués peut-être aussi par la mort de son mécène van Ruijven en 1674, précipite sa mort. Sa femme racontera plus tard : «
[mon mari], non seulement n'avait pu vendre son art, mais en plus, à son grand préjudice, les tableaux d'autres maîtres avec lesquels il faisait commerce lui étaient
restés sur les bras. Pour cette raison et à cause des grandes dépenses occasionnées par les enfants, pour lesquelles il ne disposait plus de moyens personnels, il fut si
affligé et s’affaiblit tellement qu’il en perdit la santé et mourut en l’espace d’un jour ou un jour et demi ». La cérémonie funèbre est célébrée le 15 décembre 1675 à
la Oudekerk (la « Vieille Église ») de Delft, laissant sa femme et ses onze enfants encore à charge aux abois, criblés de dettes.
Catharina Bolnes doit alors donner en gage au boulanger van Buyten deux toiles de son mari, Une dame écrivant une lettre et sa servante et Une femme jouant de la
guitare, pour garantir une dette astronomique de 726 florins, soit, entre deux et trois ans de pain. Elle vend vingt-six autres tableaux — qui n'étaient probablement
pas de la main de son mari — pour 500 florins environ à un marchand d'art, et L'Art de la peinture à sa mère.
Après avoir déposé une requête auprès de la Haute Cour de justice pour pouvoir étendre ses échéances, elle voit désigné comme curateur de ses biens le microscopiste
Antoni van Leeuwenhoek, à qui il arrivait de travailler pour le conseil municipal, le 30 septembre 1676. La maison, qui comprenait huit pièces au rez-de-chaussée, était
remplie de peintures, de dessins, de vêtements, de chaises et de lits. Dans l’atelier du peintre défunt se trouvaient, parmi « un fatras dont il ne valait pas la peine
de dresser l’inventaire », deux chaises, deux chevalets, trois palettes, dix toiles, un bureau, une table en chêne et une petite armoire en bois munie de tiroirs.
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